Le vendredi 5 avril 2019, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a publié ses motifs de jugement dans l’affaire West Van Holdings Ltd. c. Economical Mutual Insurance Company, 2019 BCCA 110. Dans une décision qui aura des répercussions importantes pour les assureurs, la Cour :
- A confirmé la primauté des actes de procédure dans la détermination de l’existence d’une obligation de défendre de la part d’un assureur et a conclu que les clauses d’exclusion de pollution couramment utilisées dans les polices d’assurance responsabilité civile générale (RCG) au Canada étaient claires et efficaces pour exclure la couverture.
- A effectivement renversé la tendance jurisprudentielle de la Cour suprême de la Colombie-Britannique d’accorder des dépens spéciaux ou une indemnisation complète des frais juridiques encourus lorsqu’un assuré obtient gain de cause dans une action en garantie.
Cette affaire portait sur la question de savoir si deux assureurs, couvrant des périodes de police différentes, avaient l’obligation de défendre un assuré dans le cadre d’une action sous-jacente réclamant des dommages-intérêts pour la migration de polluants depuis le terrain de l’assuré vers une propriété adjacente. Il est important de noter que les actes de procédure de l’action sous-jacente invoquaient la législation environnementale provinciale comme fondement juridique. Cette législation vise à tenir les propriétaires actuels de terrains responsables des actes commis par les anciens propriétaires ou exploitants de ces terrains d’où les polluants se sont échappés. Devant la Cour suprême et la Cour d’appel, l’avocat du propriétaire foncier assuré a soutenu que l’invocation de cette législation dans les actes de procédure distinguait cette affaire d’autres cas où des clauses d’exclusion de pollution rédigées de manière substantiellement similaire avaient été jugées claires et efficaces pour exclure la couverture. L’avocat a fait valoir que l’invocation de cette législation impliquait une réclamation contre l’assuré pour l’échappement de polluants causé par les actes d’anciens propriétaires ou exploitants et que les clauses d’exclusion de pollution étaient ambiguës quant à leur application à une telle réclamation.
La Cour d’appel a conclu ce qui suit :
- L’inclusion dans les actes de procédure de la législation environnementale provinciale comme fondement juridique ne donnait pas lieu à une réclamation pour l’échappement de polluants causé par les actes d’anciens propriétaires ou exploitants des terrains de l’assuré.
- Une telle réclamation ne relevait pas de la couverture initiale des polices, car elle se rapporterait à des « événements » survenus avant le début des périodes de couverture respectives des polices.
- Les clauses d’exclusion de pollution n’étaient pas ambiguës et excluaient effectivement la couverture pour les réclamations dans l’action sous-jacente concernant la migration alléguée de polluants et les actes commis par les assurés durant les périodes de couverture respectives.
Le vendredi 5 avril 2019, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a réaffirmé la primauté des actes de procédure dans l’action sous-jacente pour déterminer si une obligation de défendre existe. En lisant les actes de procédure dans leur ensemble, la Cour a conclu : « il n’y a aucune indication dans la DNO selon laquelle un ancien propriétaire ou exploitant tiers aurait contaminé les terrains. En l’absence d’une telle allégation, il n’existe aucune possibilité que West Van soit exposé à une responsabilité en raison des actions d’un tiers. » Le raisonnement de la Cour d’appel rappelle fermement que, dans le contexte de la détermination de l’existence d’une obligation de défendre, les tribunaux de la Colombie-Britannique doivent s’en tenir strictement au langage effectivement utilisé dans les actes de procédure de l’action sous-jacente et ne pas y importer des allégations qui n’y figurent tout simplement pas. Cela est particulièrement important compte tenu de la prolifération de la législation environnementale qui prétend parfois imposer une responsabilité rétroactive et absolue aux propriétaires de terrains dont la propriété a été, à un moment donné, une source de polluants.
La Cour d’appel a ensuite examiné si les réclamations restantes relevant de la couverture initiale étaient exclues par les clauses d’exclusion de pollution. Il est important de noter que les polices RCG utilisaient différentes formulations au fil des années pendant lesquelles les assureurs étaient en risque. La clause d’exclusion de pollution dans les formulaires ultérieurs semblait utiliser un langage quelque peu plus large. L’assuré a soutenu que, parce que la clause d’exclusion de pollution antérieure ne comprenait pas le mot « migration » (alors que la clause ultérieure l’incluait), la clause d’exclusion antérieure était ambiguë dans la mesure où elle était censée exclure la couverture des dommages matériels découlant de la migration de polluants. La Cour d’appel a conclu :
[57] Avec tout le respect que je lui dois, je ne peux pas être d’accord. Les polices contenant l’Exclusion n° 1 doivent être interprétées sans référence à d’autres polices contenant l’Exclusion n° 2. L’Exclusion n° 1 exclut toutes les réclamations « découlant de l’émission, la dispersion, la libération ou l’échappement réels, allégués ou menacés de polluants ». L’expression « découlant de » est plus large que « causée par » : Amos c. Insurance Corp. of British Columbia, [1995] 3 R.C.S. 405, au paragraphe 21.
[58] En l’espèce, la DNO dans l’action sous-jacente allègue que des contaminants « ont été utilisés, stockés, éliminés, manipulés ou traités sur les terrains adjacents de manière à entraîner ou permettre leur émission ou dépôt dans les sols et les eaux souterraines des terrains adjacents et des terrains ». Il est en outre allégué que les défendeurs n’ont pas empêché l’échappement des contaminants. À mon avis, l’Exclusion n° 1 englobe les allégations de la DNO et exclut clairement et sans ambiguïté ces réclamations de la couverture.
Après avoir conclu que les assureurs n’avaient pas l’obligation de défendre, la Cour d’appel aurait pu s’arrêter là en annulant simplement l’ordonnance sur les dépens du juge en cabinet. Cependant, la Cour d’appel a profité de cette affaire pour renverser une série de décisions des tribunaux inférieurs en Colombie-Britannique qui exigeaient que les assureurs indemnisent pleinement les assurés pour les frais juridiques lorsqu’un assuré obtenait gain de cause dans une action en garantie.
La Cour d’appel a conclu qu’« une attribution de dépens spéciaux en l’absence d’une conduite méritant un blâme dans une réclamation liée à une obligation de défendre » n’est pas conforme « aux principes directeurs sur lesquels reposent les attributions de dépens » et qu’il n’y a « aucune raison de principe d’attribuer des dépens dans une affaire d’obligation de défendre d’une manière différente des autres litiges ». La Cour a ensuite affirmé sans équivoque que plusieurs décisions récentes de la Cour suprême de la Colombie-Britannique attribuant des dépens spéciaux contre des assureurs ayant échoué à défendre des actions en garantie étaient toutes mal fondées et ne devaient pas être suivies. En parvenant à cette conclusion, la Cour d’appel a estimé qu’il n’y avait pas de termes explicites ou implicites dans les polices des assureurs exigeant le paiement de dépens spéciaux. La Cour d’appel a expliqué que l’obligation de la plus grande bonne foi implicite dans chaque contrat d’assurance offrait un mécanisme adéquat permettant à un assuré de demander réparation en cas de refus de défense par un assureur en cas de violation de cette obligation. La Cour a également estimé qu’en attribuant systématiquement des dépens spéciaux contre les assureurs, indépendamment de leur conduite, l’incitation des assureurs à résister aux réclamations de manière conforme à l’obligation de la plus grande bonne foi serait réduite.
Cette décision de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique permettra aux assureurs de respirer un peu plus facilement lors de litiges sur la couverture. L’approche de la Cour dans la détermination de la « véritable nature ou substance » de la réclamation figurant dans les actes de procédure de l’action sous-jacente confirme que, pour déterminer s’il existe une obligation de défendre, les actes de procédure et les réclamations effectivement plaidées sont primordiaux pour déterminer la couverture. Cela suggère fortement qu’en l’absence d’actes de procédure défectueux ou substantiellement flous, un assureur a le droit de prendre une décision sur la couverture en se basant sur les réclamations et les allégations contenues dans les quatre coins des actes de procédure, sans craindre que d’autres réclamations et allégations ne soient interprétées comme incluses dans les actes de procédure pour tenter de trouver une couverture. Dans les affaires appropriées, les assureurs peuvent désormais, du moins en Colombie-Britannique, défendre des réclamations cherchant à obtenir une déclaration d’obligation de défendre sans la menace d’une ordonnance de dépens spéciaux ou d’indemnité contre eux pour tous les frais juridiques engagés par l’assuré cherchant à obtenir une décision concernant l’obligation de défendre.
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